Demain, nous serons au Sénégal. Ce sera le dernier pays de notre aventure. Déjà, ça y est, nous allons franchir notre ultime frontière. Il y a de l’excitation, beaucoup, mais aussi de la nostalgie. Demain, nous ne serons plus en Mauritanie. Nous quitterons le quatrième pays de notre voyage, plein de nouveaux souvenirs en tête. Plus qu’une simple traversée, ce séjour en terre mauritanienne aura été pour nous une véritable aventure. Loin, très loin d’être aussi célèbre que ses voisins marocains ou sénégalais, ce pays nous aura tout de même marqué par ses si nombreuses particularités et son authentique population. Avant de partir et de refermer ce chapitre, j’ai à cœur de lui rédiger une lettre pour partager nos si beaux moments vécus ici.
« Ma chère Mauritanie,
Voilà maintenant 22 jours que nous nous sommes rencontrés, 22 jours que j’ai appris à te connaître, et, à ma plus grande surprise, à t’apprécier. Laisse moi à travers ces quelques mots exprimer ce que j’ai pu ressentir à tes côtés.
Pour commencer, un premier terme me vient directement à l’esprit : surprenant. Dès le début, ça a été saisissant.
Tu nous as tout d’abord présenté Nouadhibou, qui nous a accueilli dès le premier jour avec son dynamisme et son exotisme si particulier. Du sable partout, une circulation presque anarchique, des chèvres se nourrissant des très nombreux déchets ou encore des taxis plus proches de l’état de carcasse que de l’idée qu’on peut se faire d’une voiture, le contraste avec le Maroc est total ! Et pour achever de nous convaincre, le port de pêche artisanal prend place, avec ses innombrables pirogues, ses carcasses de poisson jonchant le sol et son activité renversante. Mais ça n’est là que le début, tu étais loin de tout nous avoir montré.
Tu nous as en effet ensuite fait découvrir le célèbre train de la SNIM pour nous rendre en ton coeur. Au dela d’être l’un des plus grands du monde (près de 2,5 km de long tout de même), il est à lui tout seul une aventure. Embarquer à bord c’est vivre plus de dix heures de voyage à travers le désert dans des wagons qui ne sont pourtant pas équipés pour transporter autre chose que de la marchandise. Quand ils sont vides, le voyage est accompagné de fortes turbulences, d’une poussière capricieuse à chaque rafale de vent et d’un bruit continu de la mécanique de l’engin. Quand ils sont pleins, c’est là tout autre chose ! Moins de secousses, plus aucun bruit, le paradis semble-t-il ? Oui, enfin non. Quand ils sont plein, c’est un voyage entier à respirer de la poussière et une assurance de finir avec chaque partie du corps un peu découverte pleine de crasse. Enfin, ce trajet est malheureusement aussi une terrible leçon de vie. Pour nous, c’est une simple attraction d’un jour, amusante, et puis une bonne douche et un bon lit nous attendent à la fin. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les usagers. Certains empruntent ce train aux conditions difficiles pour aller travailler dans les mines, avec bien souvent un lointain rêve d’Europe en tête… Ma chère Mauritanie, cette cruauté qui te touche est dur à imaginer, et je n’ose songer à quelle point elle doit t’affecter au plus profond de ton être.
Des surprises, tu n’as pas cessé de nous en offrir tout au long de notre passage. La plus marquante, celle qui fait l’unanimité entre nous trois, c’est l’accueil de tes habitants. Ils sont géniaux ! Leur bienveillance et leur générosité nous ont directement frappés. Il y a d’abord eu des rencontres du quotidien pour demander un conseil ou un abris contre le soleil, puis, il y a eu de beaux et profonds moments d’échange. Ce fut le cas avec Kettab tout d’abord…
Tout est partis d’une simple rencontre par hasard près du marché d’Atar. Nous venions de débarquer du train et de parcourir en minibus une centaine de kilomètre depuis Choum quand ce drôle de monsieur est venu nous proposer son aide pour organiser la suite de notre excursion ainsi que de venir prendre le petit déjeuner avec lui. D’abord méfiant, nous y sommes allés timidement, puis nous nous sommes rapidement très bien entendu avec lui. Il nous a accompagné à Chinguetti, nous a proposé une visite guidée de la vieille ville puis nous a emmené le lendemain à l’oasis de Terjit. Mais ce n’est évidemment pas tout. Il nous a hébergé une nuit, proposé de délicieux et volumineux plats ainsi qu’un service presque continu du fameux thé mauritanien. Un vrai plaisir ! Discuter avec lui a été l’occasion d’en apprendre bien plus sur toi, ma chère Mauritanie, mais aussi sur ta culture, tes habitants, ton histoire… Cette rencontre fut une véritable mine d’information et un souvenir inoubliable. Elle a aussi été l’élément clé d’un séjour exceptionnel et mémorable dans la vallée de l’Adrar.
Sur ce coup, tu as frappé très fort, j’ai été complètement conquis à mon plus grand étonnement. Cette superbe région, bien qu’étant déjà la plus touristique du pays, mériterait bien plus de visibilité. Les paysages désertiques y sont assez incroyables, des fois plutôt rocheux, presque montagneux, d’autres fois plutôt sahélien avec quelques arbres qui apparaissent dans le paysage, et parfois encore complètement sableux avec de larges dunes qui s’étendent à perte de vue.
C’est notamment le cas près de Chinguetti, cette ville si surprenante au passé si impressionnant. Elle a notamment la particularité d’avoir déjà été envahis par le sable puis reconstruite à deux reprises ! Et ça ne semble pas prêt de s’arrêter.
Mais la vallée de l’Adrar c’est aussi de somptueux oasis, et pour nous de nombreuses péripéties en quelques jours seulement. Il y a eu le train pour venir, évidemment, mais aussi les ballades en 4×4 à l’arrière, les cheveux au vent. Quel souvenir là aussi ! Et les différents couchers de soleil dans le désert, c’était là aussi grandiose. Ma chère Mauritanie, merci infiniment pour ces moments si spéciaux. On oubliera les très longues heures d’attente pour le retour et les galères dues au train, vivre toutes ces choses en valait largement la peine.
Ensuite, on ne pouvait pas te traverser sans découvrir ta capitale, Nouakchott. Et pour cela, nous avons eu le droit à une visite guidée et à des explications détaillées de Christophe. Expatrié français et professeur de SVT au lycée Théodore Monod depuis maintenant plus de 10 ans, il a été le relais pour notre intervention auprès des lycéens et il nous a présenté cette ville de long en large. D’une ballade en voiture pour repérer les différents quartiers à une soirée sous une tente traditionnelle mauritanienne à partager un excellent repas et des anecdotes par dizaine, son accueil a été incroyable. Et il fallait au moins ça pour tenter de comprendre cette capitale si particulière. Déjà, il faut avoir en tête qu’elle n’à été fondée il y a de cela à peine 60 ans au beau milieu du désert, il n’y avait strictement rien à cette endroit auparavant. Elle compte pourtant aujourd’hui plus d’un million d’habitants, soit un quart de la population du pays, et se rêve d’une grande métropole africaine. Ultra dynamique à travers son port de pêche artisanal et ses nombreux marchés, elle surprend par son coté cosmopolite et son mélange entre une vision moderniste et traditionnelle.
Les moments de partage sont magiques et resteront des incontournables de ce voyage. Parler avec des locaux est sans aucun doute le meilleur moyen d’en apprendre plus sur toi, ma chère Mauritanie. Hélas, nous avons aussi été parfois seul, comme lors de la traversé du désert entre Nouadhibou et Nouakchott.
Cette traversée, elle a été compliqué. Pas dramatique, mais compliqué. Tu n’as pas été tendre avec nous. Il y a eu tout d’abord un départ avec du vent de face, qui ralentit et envoie du sable. Puis, il y a ensuite eu le mauvais temps et même la pluie. On ne s’y attendait vraiment pas, être trempé au milieu du désert nous semblait impossible, et pourtant tu as encore réussis à nous surprendre. La pluie a finit par partir et laisser place à un climat plus classique de la région, c’est à dire des nuits à plus de 25 °C et des pics à plus de 40 °C en journée. Ajouter à cela des difficultés à trouver de l’eau ou des abris pour se protéger du soleil, la casse d’une tente ou encore des paysages complètement monotones et vous obtenez une semaine délicate.
Après ces si nombreuses péripéties, nous ne pouvions pas nous quitter si brutalement. Ma chère Mauritanie, tu t’es sentis obligée de nous offrir un dernier cadeau : le parc national de Diawling. Pour le coup, j’ai complètement adoré. Alors oui, il faut se dire qu’après presque deux mois de désert la moindre vue de faune et de flore m’aurait paru exceptionnelle, mais ce parc a été un véritable bol d’air frais pour moi. Déjà, il marque avec le fleuve Sénégal la fin du désert du Sahara et donc notre réussite dans ce défi, ce qui nous semblait encore assez dingue il y a de cela quelques mois. Il abrite aussi de nombreuses espèces animales. C’est alors un véritable régale de rouler une journée sur un chemin loin de toute circulation avec des phacochères accompagnés de leurs petits déambulant à tout vitesse devant nous et des troupeaux de bœufs peu enclins à dégager la chaussée pour nous laisser passer. Le contraste avec nos centaines de kilomètres dans le désert est saisissant !
Malheureusement, ce parc sonne aussi le moment des au revoir. Après l’avoir traversé nous avons atteint la frontière avec le Sénégal. Il est temps de se quitter et de vivres de nouvelles aventures chacun de son côté.
Merci infiniment pour ton accueil, et qui sait, peut-être que nous nous retrouverons un jour. En tout cas je te souhaite le meilleur, tes habitants le mérite.
À bientôt »
Ma chère Mauritanie
Ma chère Mauritanie, tu m’as tant surpris
Ta chaleur si intense, je m’y attendais
T’es paysages désertiques, j’en rêvais
Mais c’est ailleurs que mon cœur a été pris
Ma chère Mauritanie, tu m’as tant séduit
Tes habitants, si accueillant, si attachant
M’ont reçus, généreusement, tendrement
Comme s’il s’agissait d’un rêve d’une nuit
Ma belle Mauritanie, laisse moi te dire
Tes oasis sont des merveilles, des trésors
Et tes dunes les plus beaux des décors
Ma belle Mauritanie, laisse moi t’écrire
Tes somptueux couchers de soleil m’éblouissent
De la même manière que tes étoiles me ravissent
Écrire cette lettre me fait un bien fou. Je n’aurais jamais cru dire tout cela avant de traverser le pays tant il me semblait peu familier et inhospitalier. C’est ainsi avec grand plaisir que j’admet m’être trompé. Après, nous sommes tout de même loin du conte de fée, tout ne peux pas se dire dans une lettre. J’ai aimé la Mauritanie et je suis heureux d’avoir pu découvrir plusieurs endroits du pays, mais quel trace gardera-t-il dans nos mémoires à la fin du voyage ? Ce n’est pas une compétition, mais où se situera-t-il par rapport au Maroc ou au Sénégal ? Il sera intéressant de répondre à cette question dans quelques semaines…
Ce qui est sûr, c’est que je garderai en tête les leçons de vie que m’a offert ce pays. Nous avons rencontrés des personnes aux conditions de vie difficiles, qui rêvaient bien souvent d’Europe et se sont retrouvées bloquées ici. Nous avons entendus beaucoup d’histoire à propos des tensions entre les différentes communautés du pays et la manière dont les dirigeants, les forces de l’ordre ou encore les chefs d’entreprise peuvent traiter les minorités. Ce sont des problèmes qui existent dans l’immense majorité des pays du monde, certes, et je ne souhaite en aucun cas accuser spécialement la Mauritanie, mais jamais cela ne m’étais paru aussi visible, aussi concret. Savoir que le pouvoir est prêt à couper la connexion 3g de tous le pays pour limiter des manifestations nous semble impensable en Europe, et ce n’est pourtant pas si occasionnel ici. Je ne pouvais pas écrire tout cela dans cette lettre, je préfère garder les bons moments et parler en bien de ce pays qui le mérite, sincèrement. Et puis, ma volonté n’est pas de juger, je n’ai aucune légitimité pour cela, mais juste de comprendre ce que j’ai pu entendre et voir en traversant la Mauritanie. Son histoire si compliquée et si difficile peut sans doute expliquer pas mal de choses…
Pour conclure cet article, il est temps pour moi de me confier sur la suite de l’aventure. Enfin, pour être tout à fait honnête, sur la suite de mon aventure. A partir de maintenant, mon destin n’est en effet plus lié à celui de mes deux compagnons. Alors que l’on s’apprête dans quelques jours à rejoindre Dakar, à réussir ce projet fou que nous nous étions lancés il y a de cela plusieurs mois maintenant, je me prépare à prendre mes distances avec eux. Mon voyage s’arrêtera à Dakar, ma décision est prise. Il n’y aura pas pour moi de séjour à travers le Sénégal, ni de remontée en transport en commun ou en stop jusqu’au Maroc. Je vais rentrer en France, directement. Cette décision est dû à des raisons personnelles qui importent peu, et je ne la prend pas comme une fatalité, c’est un choix mûrement réfléchis. Cette aventure a été magnifique mais je suis tout de même content de rentrer. J’ai hâte de retrouver mes proches et plein de superbes projets m’attendent. Ma déception, elle est dans le fait de laisser mes camarades, de ne pas aller au bout de ce que nous avions prévu. La partie en vélo sera terminée, certes, mais ce projet n’était pas censé se terminer ainsi. La conséquence de ce choix, c’est qu’il y aura maintenant une distinction entre eux et moi. Oui j’aurais réussis ce défi de rejoindre Dakar à vélo, mais, il y aura toujours un « mais » ensuite quand on abordera la question du retour. Il me faut l’accepter et garder en tête cette fierté de ce que j’ai pu accomplir, tout en assumant mes choix et leurs conséquences. Je souhaite en tout cas le meilleur à Vinz et Mathis pour leurs futurs aventures. Peu importe où je suis, je resterai leur fan numéro un.
L’heure n’est pas encore au bilan, ça attendra Dakar. En attendant, je tiens à vous remercier de continuer à nous suivre depuis maintenant quatre mois. C’est magique de pouvoir partager nos péripéties et que vous puissiez avoir une idée de ce que l’on peut vivre.
A très bientôt pour la suite,
Vincent
Magnifique ta lettre Vincent
Merci pour ton partage, merci pour la Mauritanie et merci pour moi aussi, parce qu’avant de te lire j’avais plutôt une piètre impression de ce pays 😔, et je m’en excuse
Tu m’as permis de me remettre dans le non jugement, ce qui est la base de la VIE.
Belle route à toi, en vélo, à pied ou motorisé
Et tu peux être sacrément fier de toi
C’est une expérience incroyable que tu as vécu, et en plus choisie, une aventure digne d’un livre d’histoire, d’une légende racontée dans les foyers pendant trèèèèès longtemps
Alors belle route l’ami et MERCI
🙏🏻 🤩🌟
cher Vincent, j’ai toujours été profondément impressionné, émotionnellement, par chacun de vos rapports – également de vos deux compagnons de combat, d’ailleurs – mais ce dernier rapport est le point culminant ! Toute l’approche, l’adressant comme une lettre à un « être cher »… une idée de génie, ça m’a touché très profondément… comment votre préjugé s’est transformé en appréciation profonde et sincère pour la Mauritanie et spéciale pour l’être humain ! Parce que peu importe comment vous le regardez, les valeurs humaines laissent toujours les impressions les plus profondes, surtout lorsque des qualités telles que la gentillesse, la douceur, la bonté, l’hospitalité, l’amour désintéressé, la tolérance, la serviabilité, la confiance, les amitiés, prédominent – en bref, de beaux fruits de l’esprit, tout comme la Bible nous demande de le développer…. ce qui m’a aussi profondément frappé, c’est votre souci pour la « petite » personne, qui est accablée par le joug de quelques-uns seulement qui commandent. Forcément j’ai pensé aux expressions très sages et très concises du livre de l’Ecclésiastique, je cite : « J’ai vu tout cela, et mon cœur a examiné toute œuvre qui se fait sous le soleil, durant le temps où l’homme domine l’homme pour son malheur. et un autre couplet se lit comme suit : « J’ai de nouveau dirigé mon attention vers tous les actes d’oppression qui se commettent sous le soleil. J’ai vu les larmes des opprimés, et il n’y avait personne pour les consoler. Leurs oppresseurs avaient le pouvoir, et il n’y avait personne pour les consoler. Et cela m’a profondément marqué : le fait que vous et vous trois ayez eu l’œil pour ça… ce long voyage de 6500 km ne vous a pas seulement fait une forte impression, mais aussi sur moi et j’espère sur beaucoup de ceux qui ont été capable de vous suivre !